Le Cycle des Cieux, Tome 4 : Intrigues au Palais d'Argent by Allyps | World Anvil Manuscripts | World Anvil

Chapitre 12

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Les chants des anges résonnaient par millions dans la salle d'audience de Padmilia. Fait d'améthyste lisse et de marbre doré, l'endroit était plein à craquer de représentants angéliques et archangéliques malkouthiens, tous habillés de tuniques cérémonielles mauves. Els étaient installés dans les gradins le long de murs et dans des balcons par-dessus. La mer violette de leurs halos était coupée en deux pour laisser un passage vers le bout de la salle. Là, Padmilia dominait l'assemblée sur son trône d'améthyste. El était revêtu d'une robe mauve brodée d'argent, affichant sur sa poitrine le symbole de Malkouth, le cercle croisé, rehaussé d'étoiles pour représenter l'amas galactique de Laniakea. Depuis le Palais d'Argent, Padmilia en restait l'archange-roi. 

L'ange avança à tire-d’aile, précédé et suivi par les trompettes et les tambours des principautés. Les chants cérémoniels retentirent par-dessus. Derrière el, une centaine de jeunes anges tenaient sa traîne mauve et répandaient des fleurs sicadiennes, reproduites en tissus colorés par leurs propres petites mains. L'ange mit près de dix minutes à atteindre le trône de Padmilia. Là, el tomba à genoux devant le monarque, qui annonça :

— Élohim ! Nous sommes réunis en ce jour pour couronner l'ange Pomiel roi de Sicad et l'élever de nouveau vers l'archangélat. 

L'ange observa discrètement les alentours. Dans l'audience el repéra de nombreuses éminences, dont Idiel de Hessed qui affichait un sourire narquois. Une vague de nervosité traversa l'ange. El vit alors la domination Vilanel non loin, son regard noir affuté et assuré. El sourit, alors l'ange sourit à son tour, se forçant. De toute façon, il n'y avait plus personne d'autre là pour el. 

Sois fier, s'encouragea l'ange. Aujourd'hui, tu récupères ton trône. Tu attends ça depuis cinq ans. 

L'ange lutta pour laisser sa joie paraitre malgré l'anxiété. Alors que Padmilia descendait vers el, el n'osait lever les yeux, ni bouger d'un iota. En vérité, l'archange le terrifiait. Et sous cette peur pulsait une sourde colère. 

Peu importe, peu importe, se répétait l'ange. Peu importe si tu dois te déguiser, au moins Sicad te revient. Ton héritage te revient enfin. Sois heureux, sourit. 

L'ange osa enfin lever la tête et sourit. Padmilia lui rendit son sourire et entrouvrit la bouche. Mais el s'immobilisa quelques secondes, dix, puis vingt, puis trente. L'ange déglutit. Heureusement, les chants de ses pairs comblaient le silence de l'archange. Mais que lui arrivait-el ? Hésitait-el ? L'ange plongea quelques instants dans le réseau EL, à la recherche d'une réponse. Le halo de Padmilia scintillait, indiquant qu'el communiquait télépathiquement avec quelqu'un. Rien d'inhabituel. L'archange était sollicité en permanence, même lors de cérémonies formelles. Mais alors que l'audience attendait, Padmilia ne fit rien, plongé dans une intense conversation privée. L'expression de l'archange perdit sa joie pour devenir irritée, puis inquiète, puis énervée. Dans ses yeux, deux éclairs furieux tonnèrent. 

— Attendez !

Une petite voix résonna soudain dans la salle, à peine perceptible sous les chants des élohim. L'ange tourna la tête, excédé, inquiet. C'est là qu'el vit le Fitzarch.

Michaël vola plus vite qu'el n'avait jamais volé, lui sembla-t-el. El déboula devant l'archange et son assemblée, se redressant maladroitement. Le visage de Padmilia se décomposa sous la surprise et l'indignation. El observa l'intrus. El était enveloppé d'un manteau noir, destiné à cacher les taches de sang doré qui maculaient son uniforme de concierge mais que Padmilia vit de toutes manières. El lut son nom dans son halo : Michaël, un de ses jeunes frères, un Fitzarch vertu qu'el ne connaissait pas. Ou peut-être... Avait-el entendu son nom récemment ? 

— Par la miséricorde d'EL que fais-tu ici ? siffla Padmilia. 

— J'ai un message de la plus haute importance pour vous mon archange, haleta Michaël. 

Padmilia leva les yeux, excédé. 

— L'archange Aradim demande audience auprès de vous. 

— Pardon ?!

— Votre frère Aradim, répéta Michaël. El demande une audience auprès de vous de toute urgence. 

Padmilia ravala son choc et murmura. 

— Qui es-tu pour interrompre ainsi une cérémonie d'archangélat, pour un prétexte assurément faux ? Aradim n'est pas au Palais d'Argent et s'el y était je serai le premier informé !

— Ses... ses représentants sont là. 

— Je n'ai rien à faire de ses représentants. Si Aradim veut me parler el le fait via le réseau EL !

— Il me semble que vous avez reçu des messages de sa part mais que vous ne les avez pas écoutés jusqu'au bout. 

— Jusqu'au bout ? Tu plaisantes ?

— Non ! Par pitié mon archange, écoutez-moi ! pressa Michaël qui faisait de son mieux pour garder sa voix basse. 

Une clameur nouvelle résonna dans la salle. Des voix outrées s'élevèrent dans les environs de Padmilia. Michaël repéra Idiel dans un coin, ricanant. La jeune vertu dû se retenir de faire de même. Sa nervosité la préserva de cette offense, l'adrénaline aussi. Ses cœurs s'emballèrent alors qu'une nouvelle procession faisait son entrée dans la salle d'audience. Une centaine d'envoyés, portant au-dessus d'eux les bannières d'Aradim, arrivèrent sur des tapis volants. À leur tête se trouvait la vertu Kalfah Fitzarch, grande et sévère, entourée de ses jeunes frères de l'école d'Aradim, incluant Negara. Mais ce n'était pas tout. Derrière eux, els apportaient quelque chose de grand. Le public l'identifia comme une sorte d'œuf, semblable aux lit-œufs médicalisés qu'on trouvait dans les hôpitaux de la Chapelle Hypocras. Ce dernier était en effet entouré de lourdes machines de cristal, le tout porté par un large et épais tapis. Une question s'empara alors de l'audience. Qui donc reposait dans cet œuf ? 

Juste devant Padmilia, l'ange bondit sur ses pieds. 

— Pomiel, rends-toi dans l'antichambre privée derrière mon trône, lui ordonna Padmilia. Je vais régler cette vilaine discourtoisie et nous reprendrons la cérémonie juste après. 

— Je pense que "Pomiel" devrait rester parmi nous, dit alors Kalfah d'une voix aussi forte qu'amusée alors que son tapis approchait. 

— Non, souffla Michaël en sa direction, puis dans celle de Padmilia. Non, votre majesté. Congédiez Pomiel, gardez-le sous bonne garde. Congédiez la Cour aussi. Nous devons discuter en privé pour préserver votre honneur. 

— C'est un peu tard, siffla Padmilia.

— J'ai tenté de vous avertir votre Majesté...

— Silence. Où est Brenna ?

— Dans votre antichambre. El n'a pas réussi à vous atteindre à temps. El n'a pas osé intervenir, alors je l'ai fait. J'en porte l'entière responsabilité. 

Les envoyés d'Aradim se posèrent finalement devant Padmilia. 

— Vous avez intérêt à avoir une bonne raison...

— Votre ange est un faux. Ça n'est pas le vrai Pomiel.

Padmilia secoua la tête. 

— Quel est le sens de cette plaisanterie. Je doute qu'Aradim ai décidé de se déshonorer ainsi !

— Moi aussi j'en doute fort, râla Kalfah. Ce n'est pas une vraie plaisanterie. Cet ange-là, à vos pieds, c'est l'usurpateur Miel, le pantin de Chang'el. Le vrai Pomiel est dans mon coffre, enfin, mon œuf, juste là. 

Padmilia observa l'œuf immense avec désarroi, les traits crispés par la surprise et l'embarras. El regarda Idiel, puis Vilanel, à la recherche d'explications, de vérités. Pendant ce temps, le regard de Miel croisa celui de Michaël, le transperçant longuement. Michaël, tremblant, déglutit mais maintint la tête haute. Dans sa main, el brandit ce qu'el avait longtemps pensé être un akshoka : la pierre d'âme, le petit cristal que lui avait confié Nakirée. 

— Pour Nakirée, et son fils, souffla Michaël.



Les procès des élohim ne s'embarrassaient pas d'auditions, de témoignages, de jurés. Chaque individu impliqué dans l'affaire était scruté par les ophanim, puis allongé dans un œuf. Endormis, les anges analysaient leur mémoire pour y découvrir la vérité. À la fin, l'archange tranchait. Et souvent, l’Ecclésia appliquait les peines.

— Ça ne va pas être un processus agréable, avertit Brenna alors qu'el préparait Michaël à cette épreuve. Les anges ne s’importuneront pas de ta pudeur, els vont retourner ton passé dans son intégralité et la meilleure chose à faire est de ne pas y résister. 

— C’est un mal pour un bien, répondit Michaël.

En vérité, la jeune vertu était terrifiée. Si bien que son corps était paralysé par une douleur intense, ses cœurs enserrés luttaient pour battre. Brenna et Siriniel l’accompagnèrent en navette. Au volant, Brenna était visiblement tendu. À ses côtés, Siriniel semblait quant à el goguenard, luttant pour ne pas sourire. En temps normal, Michaël aurait été offensé. Mais la peur face à l’épreuve prévalait. 

— Les âmes d’EL subissent ça en permanence, minaudait Siriniel. Les anges étudient leurs psychés dans leur intégralité, pendant leur voyage vers EL sur toutes les routes célestes. Si les âmes peuvent supporter cela, alors toi aussi. 

— Je n’en doute pas, murmura Michaël entre ses dents. 

— Tu seras endormi, répéta Brenna. 

— Mais tu feras de nombreux rêves où tes pires souvenirs défileront sans que tu puisses t’en éloigner, avertit Siriniel. 

— Cesse de l’effrayer, râla Brenna.

— Je ne fais que préparer Michaël à l’épreuve

— Je pense qu’el a compris.

L’épreuve en question allait se dérouler dans une chambre appelée salle des révélations, située dans le tribunal du domaine de Padmilia. L’endroit était occupé et géré par les ophanim. Els étaient partout : bourdonnants, scrutant tous les élohim qui passaient depuis les hauteurs, les côtés, et même sous un sol de verre. Traditionnellement, c’étaient les trônes qui, avant la Seconde Brisure, rendaient la justice parmi les élohim. Leurs remplaçants, les ophanim, avaient repris en partie cette mission. De leurs centaines d’yeux, els voyaient tout, témoins de la Création et de tout ce qui s’y passait. Mais depuis la disparition des trônes, les fils du Grand Architecte avaient prévalu et s’étaient arrogé le pouvoir judiciaire. C’était bien l’archange du domaine qui rendait à présent l’ultime jugement. 

Brenna dû quitter son petit frère. Michaël fut conduit dans une chambre noire et capitonnée, où le lit-œuf médicalisé l’attendait. Autour, six anges du jugement, couverts de la tête aux pieds de combinaisons noires, l'accueillirent sans un mot, lui indiquant d’un geste de s’allonger. Michaël s’exécuta, non sans trembler. À l’intérieur de l’œuf, el haleta puis la réalité s’effaça sans même qu’el ne s’en rende compte. 

Leur sujet endormi, les anges commencèrent leur opération. Plongés dans un réseau télépathique fermé, els ouvrirent avec une précision chirurgicale l’esprit de Michaël. Un flot de souvenirs s’en déversa, inondant l’espace. L’un des anges, via son halo mauve, se mit à absorber les souvenirs, pour ne pas les laisser s’échapper trop longtemps. Mais soudain, l’ange du jugement qui dirigeait l’opération envoya un signal puissant. Avec rapidité et dextérité, les anges refermèrent l’esprit de Michaël, y réinjectant tous ses souvenirs bien dans l’ordre.

— Je ne comprends pas, pourquoi l’opération a été interrompue ? demanda Brenna, un éclat étrange dans les yeux.

Les anges du jugement ne donnèrent aucune explication. Sauf leur chef, qui, le visage masqué par sa combinaison, pointa son doigt vers les hauteurs. 

— Padmilia ? Padmilia a ordonné ça ? fit Siriniel, indigné. Je ne peux le croire ! C’est el qui a ordonné la procédure judiciaire !

— El a changé d’avis, comprit Brenna. 

— Mais l’esprit de Michaël doit être sondé ! protesta Siriniel, qui semblait avoir à cœur que l’épreuve soit menée à bien. 

— Attends, l’interrompit Brenna. Padmilia nous appelle. 

Dans sa salle d’audience, l’archange Padmilia faisait les cent pas alors que les souvenirs de Miel défilaient sous sa conscience. L'archange découvrit tout. Miel était un fils de l’archange Wolsiel de Sicad. Au cinquième millénaire, Wolsiel avait embarqué sur la Grande Croisade de la principauté Chang’el Fitzchan. Sur son navire, naviguant le cosmos de Malkouth, les croisés avaient découvert le petit monde fertile dans l’amas galactique de Laniakea. 

Cet amas était sacré, prisé. La domination Quariel avait prophétisé qu’un jour s’y développerait une espèce qui changerait la face de la Création, recomposant définitivement l’âme d’EL. Alors tous les anges, les principautés, et surtout tous les Fitz, les fils des primordieux, s’étaient précipités dans une ruée vers Laniakea pour y trouver, y fonder, le monde où cette espèce prospérerait. Le Grand Architecte en personne avait envoyé son champion, Padmilia, pour mener à bien cette mission, pour la gloire de tous les anges. Mais les principautés avaient els aussi leurs ambitions. Et Wolsiel, qui ironiquement était un ange, s’était allié à els, et à leur champion, le grand corsaire Chang’el. 

En récompense de bons et loyaux services, ce dernier l’avait investi du royaume de Sicad, devenant son roi. Gagnant de plus en plus d’influence dans l’amas, Chang’el avait fini par s’autoproclamer l’Empereur de Laniakea. Mais Padmilia ne s’était pas laissé faire. Cet amas lui revenait, non seulement par l’édit du Grand Architecte, mais aussi car c’était el, et ses croisades avaient découvert et conquit la majorité de ses mondes fertiles. Un conflit avait éclaté, un conflit hérétique selon les standards du quatorzième millénaire. Mais à l’époque… les choses étaient différentes. Peu importait à présent. Padmilia avait gagné. La Guilde des Architectes avait été fondée pour que plus jamais une telle chose ne se reproduise. Wolsiel lui, s’était soumis. 

Après la Seconde Brisure, Sicad avait disparu des radars, comme près de la totalité des mondes fertiles de Malkouth. Sandalphon, le Primogène des vertus, avait lancé une nouvelle croisade pour les retrouver, avec le soutien de Padmilia qui n’avait pu se joindre à el, coincé le Serment dans le Palais d’Argent. L’une de ses flottes expéditionnaires avait retrouvé Sicad, avec l’héritier de Wolsiel sur le trône : Miel. Padmilia n’avait pas accepté de laisser cet ange illuminé à la tête de la planète. Le secteur était trop sensible, trop important. De lourds secrets avaient été cachés sur ce petit monde, sous ces monolithes… Alors Padmilia avait placé un de ses propres descendants, Pomiel, à la tête de ce monde. 

Mais Miel s’était vengé. El avait tenté de reprendre le trône par traitrise, fourberie, meurtre. Avec l’étrange Burrhus, el avait profité de l’arrivée de la horde pour tout raser, tout recommencer. Pour récupérer le trône, el s’était fait passer pour Pomiel el-même, avec une telle adresse que même Padmilia s’était fait avoir. Le malheureux Pomiel lui, s’était retrouvé enfermé dans une pierre d’âme. El aurait dû mourir à Sicad, lors de l’assaut de la horde, ou de la frappe de Nukvah. Mais Michaël avait récupéré la pierre juste avant. Elle lui avait été confiée par l’interrac Nakirée. Ce dernier savait-el ce qui se tramait ? Que l’archange était dans cet objet ? En tout cas, il savait l’importance qu’avait Sicad, c’était certain, puisqu’Euthanatos el-même l’avait placé là pour surveiller les monolithes et s’assurer que personne ne les ouvre. 

Quelques mystères restaient à éclaircir, notamment autour de Burrhus, ce séraphin qui semblait être sorti de nulle part pour aider Miel dans sa sinistre entreprise. Aucune trace de cet évêque n’était connue avant son affectation à Sicad. Padmilia pensait savoir quel genre d’éloha il était. Mais el ne pouvait rien dire. Le Serment l’en empêchait. L’affaire allait remonter au niveau de son Père, le Grand Architecte. Elle l’était surement déjà. La suite prendrait une tout autre tournure, bien désagréable à gérer. Padmilia devait agir vite pour abattre sa vengeance. 

Les anges du jugement finirent leur travail. Padmilia les congédia sèchement pour se retrouver seul face à Miel. Ce dernier se réveilla. À présent privé de son déguisement, el était petit, décharné, pitoyable. Pourtant, el défia Padmilia du regard. 

— As-tu quelque chose à dire pour sauver ton tas de plumes ?

— Plus rien. J’ai eu ce que je voulais vraiment. 

— Tu n’as pas eu Sicad ! 

— J’ai eu d’autres choses plus importantes encore.

— Quoi donc !?

— La vérité.

Padmilia émit un sifflement débordant de mépris.

— Ta stupide petite quête pour savoir ce qui est advenu de ta mère ? C’était évident non. Elle a fini comme toutes les autres sous ces monolithes. Burrhus ne te l’a pas dit ? El est bien placé pour le savoir.

Miel sourit. 

— Votre stupide Serment ne tiendra plus longtemps, asséna l’ange. 

Padmilia sourit à son tour, ce qui désarçonna Miel.

— Il n’a pas été fait pour tenir éternellement. 

— Gloire à Chang’el, croassa Miel.

— Chang’el était un usurpateur et un hérétique ! clama Padmilia. Puisque tu l’aimes tant, tu vas finir comme el. 

De sous sa robe, Padmilia sortit une lame bleutée. Miel la reconnut immédiatement. C’était un anathème, une lame issue de la faux du Psychopompe en personne, faux qui pouvait annihiler tout être, toute chose. Padmilia leva son arme, prêt à la planter dans le cou de Miel. 

— Stop.

Le bras de Padmilia retomba. L’archange dû serrer le poing pour ne pas lâcher sa lame.

— Cel-là m’appartient. 

La domination Vilanel entra dans la salle sans y être invité et repartit avec Miel, dont le regard était perdu dans le néant.



Michaël arriva devant Padmilia les cœurs au bord des lèvres. El s’agenouilla devant l’archange, qui lui fit signe de se relever. Le souverain avait l’air tendu, la mine fermée par la contrariété, mais el traita Michaël avec gentillesse. Accompagné par Brenna et Siriniel, el le conduisit dans un salon adjacent.

— Michaël, merci d’être venu, salua Padmilia. Comment te sens-tu ?

— Je suis perturbé votre majesté. 

— Quelque chose te tracasse, constata Padmilia en observant son jeune frère.

— En arrivant ici j’ai vu Miel libre, accompagné par la domination Vilanel.

Brenna et Siriniel se regardèrent, interloqués. 

— Quel est ton lien avec Vilanel ? demanda Padmilia, esquivant le sujet de Miel. Que sais-tu sur el ?

— D’après ce que je sais, Vilanel est un agent de Géhenna, l’agence de renseignement du Royaume de Guebourah. C’est el qui m’a extrait de Kokab pour… El voulait m’aider à aller à Guebourah. El m’a déguisé avec l’aide du Sang d’Adam, un liquide thaumaturgique étrange. Je pense maintenant qu’el a fait de même pour aider Miel à se faire passer pour Pomiel.

Padmilia hocha de la tête, acquiesçant à la thèse de Michaël. 

— Je ne comprends pas. Miel doit être puni, et Vilanel aussi. 

— Tu disais que Vilanel t’avait extrait de Hod pour t’emmener à Guebourah, reprit Padmilia, esquivant toujours le sujet. Comment as-tu fini ici ? Au cœur de Tiphéreth.

— C’est une longue histoire, avoua Michaël. Mais disons que… les choses ont mal tourné sur le vaisseau dans lequel nous voyagions. Moi et l’agent de Vilanel, nous nous sommes disputés, et… il a fini par m’éjecter du vaisseau. J’ai surement dévalé la route du Diable jusqu’ici, mais je ne m’en souviens plus. Je me suis réveillé en mauvais état dans un des mondes fleurs du Tiphéreth et j’ai fait de mon mieux pour rester sous les radars. J’ai utilisé ce que j’avais appris du Sang d’Adam pour synthétiser du jus de grenade et conserver une apparence… un déguisement. Je voulais juste être tranquille.

— Je comprends, finit par dire Padmilia après quelques secondes de silence. 

— Que va-t-il se passer à présent ? demanda Michaël.

— La justice va être rendue, ne te fais de soucis pour ça. Vilanel a peut-être emporté Miel mais je vais lutter pour que justice soit rendue à Pomiel, mon descendant, et à sa planète Sicad. 

— Et pour tous les élohim qui y sont morts, ajouta Brenna.

— Exactement, reprit Padmilia. Tu as été très courageux Michaël. Grâce à toi, une traitrise très grave, une hérésie au sein de ma cour et de mon domaine, a été contrecarrée. Nous n’avons pas pu sauver Sicad de la horde mais au moins, un souverain d’honneur véritable sera nommé pour la reconstruire, et non son bourreau. 

— Attendez, interrompit Siriniel. Michaël n’est pas un héros. C’est el qui a tué mon frère Constantiel lors de la bataille de Sicad. El a désobéi à l’archange Raphaël…

— Silence, coupa Brenna, offusqué. Cesse donc de rabâcher cette histoire ! 

— Je suis au courant de cela, dit Padmilia. Michaël n’avait pas l’intention de tuer ton frère. Et el a déjà expié sa faute. Expiation qui par ailleurs, a été menée par un séraphin el-même hérétique et complice de Miel. Je pense que Michaël a suffisamment souffert.

Siriniel, au bord de son siège, finit par craquer. El se leva et quitta le salon précipitamment. Brenna se leva à son tour, s’apprêtant à poursuivre son bras droit, mais Padmilia le stoppa. 

— Stop. Brenna. Je dois te parler. J’ai pris une décision importante.

Brenna se rassit 

— Michaël a fait preuve de courage et de détermination. El a fait de son mieux pour protéger mon honneur dans cette affaire et a utilisé ses relations avec intelligence. Cependant, je ne peux pas en dire autant de toi. Tu ne m’as pas averti de ce qu’il se passait, de ses cauchemars, de la pierre d’âme, ni de l’implication d’Idiel. Tu as laissé des élohim d’Aradim s’impliquer dans l’affaire alors qu’elle ne les concernait pas. Pire, tu les as laissés me mettre dans une position fort inconfortable devant toute ma Cour. Ce sont els qui, hors de toute logique, m’ont ramené ce pauvre Pomiel. Je ne comprends pas Brenna. J’avais confiance en toi. 

— Je… je suis désolée mon archange… La situation m’a échappée. Kalfah a profité de la situation…

— Pour m’humilier, compléta Padmilia. Du moins tenter de le faire et hisser Aradim un peu plus dans la faveur de mon Père. Or je suis le seul gardien de Père. Le seul.

— Oui mon archange.

— Pour ton incompétence, ou plutôt tes graves manquements, je me dois d’appliquer une sanction. 

— Je suis désolé mon archange, fit Brenna en s’agenouillant devant son aîné. J’aurais dû vous prévenir c’est vrai. Mais avec le conseil de guerre, la horde titanesque, je ne voulais pas vous déranger. Je ne pensais pas que la situation allait s’avérer si grave. 

— Ne sanctionnez pas Brenna, supplia Michaël à son tour, s’agenouillant aux côtés de son frère. El a fait de son mieux pour m’aider. El avait les meilleures intentions. Brenna est votre conseiller en stratégie militaire… El… El… Même si el s’y connait en oniromancie, el n’aurait pas pu imaginer ce qui se cachait derrière mes cauchemars. Et c’est ma faute si les élohim d’Aradim ont été impliqués. Je vous en prie, ne le sanctionnez pas, soyez clément.

Padmilia soupira. D’un geste de la main, el ordonna à ses deux frères Fitzarch de se relever. 

— Brenna. Tu étais seul souverain parmi les HodArch. Mais sache qu’ici, à mon service, tu es sous mon autorité et tu dois me rapporter tout ce qu’il se passe parmi tes élohim, surtout si ce sont des Fitzarch. Je n’étais même pas au courant que Michaël était concierge pour les résidences des courtiers et des invités.

— Je pensais que vous étiez au courant. C’est paru au journal de la Cour votre altesse, se défendit Brenna, gardant tout de même les yeux baissés. 

— Tu as mis Michaël sous l’autorité de de Siriniel alors que tu savais que ce dernier lui était très hostile. On m’a rapporté des actes de violence dans la conciergerie.

— Je… je n’étais pas au courant de ces actes, avoua Brenna. Michaël n’a rien dit.

— Ta déconnexion de la réalité est grave, asséna Padmilia.

— Je peux vous présenter ma démission si vous le souhaitez.

— Non. Une horde titanesque approche. J’ai besoin de tes conseils militaires. Mais je ne peux plus compter sur toi seul pour animer ma table stratégique. Et Siriniel doit quitter ton service pour retourner au Ministère, où el sera… corrigé. 

Brenna ferma les yeux, accusant le coup. Michaël resta immobile choqué, la suite n’aida pas. 

— A tes côtés, je nomme Michaël à la tête de la table stratégique. À ta place, el sera mon assistant et mon conseiller principal.

La surprise, mélangée à l’effroi, foudroya Brenna comme Michaël.

— Je… je n’ai pas les compétences pour ça, affirma Michaël. Je suis une vertu militante…

— Tu as été éduquée par Raphaël, un grand thaumaturge militaire, argumenta Padmilia. Et Brenna a été ton mentor aussi, je le sais. El continuera de l’être, el et tous les autres membres de ma table stratégique, mon comité militaire, t’instruiront aussi. Tu apprendras et tu me serviras avec la même détermination que tu as employée pour faire la lumière sur l’affaire de Sicad. 

— Je m’y connais suffisamment en stratégie… J’ai peu d’expérience…

— Tes connaissances ne sont pas ce qui m’intéresse le plus, admit Padmilia. C’est ta personnalité. Tu es obstiné, courageux, ambitieux à ta manière. C’est ce que j’ai vu dans les souvenirs que mes anges du jugement ont extrait de ta mémoire. J’ai besoin de ta force de caractère. Bien de mes élohim en manquent. Els sont encrassés par des millénaires d’enfermement ici, ou dans leurs propres Sanctuaires. 

Michaël secoua la tête, horrifié et circonspect. 

— Une chose doit être claire cependant, ajouta Padmilia. Je requiers de toi une obéissance absolue. Je sais que tu présentes une lacune à ce niveau. Tu dois me servir avec une loyauté totale. 

— Je ne peux pas vous servir correctement si je ne peux pas remettre en question vos… vos opinions, dit alors Michaël.

— Justement. J’apprécie ton honnêteté. Je veux que tu me dises tout, tout ce que tu penses. Mais lorsque je prendrai mes décisions, que tu sois en accord ou non avec elles, tu devras me rester loyal et obéissant jusqu’au bout. C’est clair ? 

Michaël soupira doucement. El lança un regard à Brenna, qui fixait toujours le sol, la mine grave. 

— Je vous obéirai, mon frère. 

Le soir même, Michaël rêva de Nakirée. Pas de cauchemars, juste une conversation. Michaël lui raconta tout, tout ce qu’il s’était passé, un océan de tristesse se déversant de ses cœurs. Nakirée, l’écouta sans ciller, entouré de ténèbres. 

— Ne sois pas triste, tu as vengé Sicad. Elle va se reconstruire.

— Pomiel va régner sur un tas de cendres.

Nakirée secoua la tête.

— Pas Pomiel. Pomiel a décidé de nous rejoindre au Berceau. Ce qu’el a vécu était trop difficile. Même les vertus n’ont pu l’aider.

Michaël s’emplit d’effroi. El n’avait même pas eu le temps de parler à l’archange spolié, lui qui avait vécu dans sa poche en secret, des années durant. 

— Ne t’en fais pas. Tourne-toi vers l’avenir

— Burrhus court toujours

— Ne t’en fais pas, répéta Nakirée. 

Michaël réalisa alors que sur ses genoux, le chérubin portrait un enfant, un bébé. 

— Le dormeur doit se réveiller.

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